A l'invitation de l'APPPsy et des Halles de Schaerbeek
DE LA HONTE À LA HAINE
Faut-il « passer au karcher » la violence des jeunes de banlieue ?
Jeune psychiatre - devenue plus tard psychanalyste - Alice Cherki, née au sein d’une famille juive algéroise, rejoint en 1995 le psychiatre noir martiniquais Frantz Fanon à l’hôpital de Blida. Elle y participe activement à la mise en place d’une structure de psychiatrie institutionnelle féconde, inspirée des expériences novatrices du psychiatre d’origine catalane François Tosquelles, avec qui Fanon avait travaillé dans le sud de la France. Lorsque Frantz Fanon - lassé d’œuvrer à la désaliénation d’individus dont l’oppression coloniale s’empresse de saccager à nouveau l’identité - remet sa démission au gouverneur Général d’Algérie, Alice Cherki soutient ses positions. Elle le rejoint bientôt à Tunis où, tout en poursuivant ses activités cliniques, elle épouse la cause du peuple algérien.
De retour en France en 1965, après un séjour en République Démocratique Allemande puis à nouveau dans une Algérie devenue indépendante, elle se consacre à l’exercice de la psychiatrie et de la psychanalyse, en restant attentive aux fractures intimes liées à l’exil, l’émigration, l’immigration, l’interculturalité, la déculturation, l’exclusion sous ses diverses formes. Tout particulièrement, les éruptions de violence collective – aussi diabolisées qu’indéchiffrables – de certains jeunes de banlieue lui semblent mériter mieux que le «karcher» et l’obturation de la pensée par l’indignation.
L’analyse socio-culturelle et politico-économique classique gagne ici à s’enrichir de ce que la psychanalyse peut nous apprendre de l’«économie psychique» de chacune et de chacun. Sous cet angle, l’apparente gratuité de la violence en groupe peut s’éclairer de divers cheminements individuels où le dépassement de la honte dans la haine s’avère quelquefois structurant.
Alice Cherki a reçu, en 2007, le prix «Œdipe» pour son ouvrage La frontière invisible. Violences de l’immigration (éditions, Éléma, Paris). Attentive aux contacts entre la psychanalyse et la culture arabe, elle a fondé en 2006, avec le psychanalyste parisien d’origine tunisienne Fethi Benslama, l’association Le Diwan oriental et occidental dont elle est la vice-présidente.
Rencontre organisée par l’APPPsy
Association des Psychologues Praticiens de Formation Psychanalytique en collaboration avec les Halles de Schaerbeek, 22a, rue Royale Sainte-Marie, 1030 Bruxelles le 23 octobre 2009, de 20h30 à 23h