Techno-médecine, santé mentale: Différence et complémentarité

Quelle que soit la constance avec laquelle l’idéologie managériale tente de le nier, le modèle de formation, d’organisation et d’évaluation des pratiques de la techno-médecine des organes ne convient pas aux professions de la santé mentale. De plus et malgré son impact bénéfique sur la santé en général, la profession de psychothérapeute n’appartient en rien au domaine des soins de santé au sens de l'actuelle législation belge. Ayant fait disparaître le psychothérapeute au profit de «l'acte psychothérapie», réduit lui-même à une intervention technique de type médical, une nouvelle loi en réserve l'exercice aux seuls psychologues, orthopédagogues et médecins — devenus «praticiens en psychothérapie» à la faveur d'un module spécialisé. Ces violences idéologiques, peu soucieuses de la réalité du terrain, ne devraient pas faire oublier la nécessaire complémentarité du champ techno-médical de la santé et de celui des pratiques en santé mentale. Les réflexions qui suivent tentent d’éclairer succinctement la logique d’une spécificité et la nécessité d’une différence.

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Au XVIIème siècle, le philosophe René Descartes invite la pensée à emprunter les chemins «clairs et distincts» d'une «méthode» purement rationnelle qui, canard digerateurarmée du «doute méthodique», systématise la méthode expérimentale, initiée à la même époque par les travaux de Harvey sur la circulation du sang. Chemin faisant, Descartes - infidèle à sa propre rigueur - brouille l'ancienne conception de l'unité du psychisme et du corps au profit d'un dualisme réduisant ce dernier à un «animal machine» qui a le privilège, chez l'homme, d'être piloté par la pensée via sa connexion à la «glande pinéale» (l'épiphyse). Tant la science que la philosophie – Spinoza en particulier - ont mis en pièces cette illusion dualiste, mais au XIXème siècle, Claude Bernard convertit l'«animal machine» pour le transformer en un «organisme» dont chacun des rouages est susceptible d'être étudié expérimentalement (le foie, par exemple, en tant que producteur de sucre). Son «Introduction à l'étude de la médecine expérimentale» (1856) constitue l'acte de naissance d'une techno-médecine des organes dont les prouesses réparatrices de plus en plus habiles nous sauvent régulièrement la vie. Ce n’est pas rien.


L'«organisme» néanmoins, en tant qu'interconnexion d'organes susceptibles d'être observés dans leur fonctionnement, n'est lui-même qu'une abstraction permettant la mise en œuvre de procédures réparatrices générales. Bien que d'une grande efficacité, ce modèle médical qui facilite la quantification, la comparaison, la stratégie des soins et la budgétisation de la santé, n'épuise pas la complexité ni la rationalité du champ thérapeutique — encore moins la réalité du corps. Ainsi, mis sous légère hypnose et sous le seul empire de la relation et de la parole, un individu peut-il produire une véritable ampoule à l'endroit tout imaginaire où on lui suggère avoir été brûlé. Plus communément, un roman, un film, peuvent activer sans préavis la glande lacrymale, tout comme «un mot de trop» peut entraîner une sécrétion excessive de suc gastrique — voire même sur le long terme générer un ulcère. Bien que ces faits soient aisément observables, ils restent peu comparables entre eux car ils répondent chaque fois à un contexte intime et à une dynamique dont les ressorts échappent à la conscience.

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